La Côte d’Ivoire a montré le chemin à suivre au Mali, au Burkina Faso, au Bénin et au Togo en réorienter le service de la dette vers le développement du capital humain, tout en optimisant le profil d’endettement.
C’est le pari réussi par Abidjan, qui a bouclé fin 2024 une opération audacieuse d’échange dette-contre-développement, soutenue par la Banque mondiale. Une première du genre, appelée à devenir un modèle international.
L’idée est simple mais puissante : rééchelonner ou réduire la dette existante en échange d’engagements fermes d’investissement dans des secteurs clés du développement. Résultat immédiat pour la Côte d’Ivoire : 60 millions d’euros d’économies en valeur actualisée nette, 330 millions d’euros de ressources budgétaires libérées sur cinq ans, et un coup d’accélérateur pour les investissements dans l’éducation nationale.
Pour financer cette opération, Abidjan a obtenu un nouveau prêt de 400 millions d’euros, garanti par la Banque mondiale, afin de racheter des prêts commerciaux plus onéreux et à maturité plus courte. ‘’Nous espérons que ce sera le premier d’une longue série », s’est félicitée Ariane Di Iorio, directrice à la MIGA, filiale de la Banque.
Un changement de paradigme
Jusqu’ici, les échanges de dette étaient presque exclusivement ‘’verts », centrés sur la protection de la nature. On se souvient du spectaculaire échange équatorien de 2023 : 1,6 milliard de dollars de dette rachetée pour protéger les Galápagos. Mais la Côte d’Ivoire a montré qu’on pouvait aller plus loin, en plaçant l’éducation — pierre angulaire du développement durable — au cœur de l’opération.
Autre innovation majeure : zéro structure offshore, zéro mécanisme de séquestre lourd. L’approche ivoirienne est limpide : utiliser les systèmes publics existants, renforcer la transparence et travailler main dans la main avec le gouvernement. ‘’Nous voulons simplifier et responsabiliser, pas complexifier », a martelé David Mihalyi, économiste principal à la Banque mondiale.
Un signal fort pour d’autres pays
Dans un contexte politique mondial plus incertain, notamment aux États-Unis où de nouveaux responsables politiques pourraient privilégier des projets moins ‘’climatiques » et plus orientés vers la santé, l’éducation ou l’emploi, l’exemple ivoirien tombe à point nommé.
‘’Beaucoup de pays veulent aujourd’hui investir dans d’autres priorités stratégiques, pas uniquement dans la nature », explique Manuela Francisco, directrice de la politique économique à la Banque mondiale.
Pour de nombreux experts, le Mali, le Burkina Faso, le Bénin ou encore le Togo devraient s’inspirer de l’expérience de la Côte d’Ivoire.
Un nouveau terrain de jeu s’ouvre donc pour les financements en faveur du développement. Et la Côte d’Ivoire, par son audace, pourrait bien devenir la référence d’un nouveau chapitre où ‘’réduire la dette » rime enfin avec ‘’investir dans l’humain ».