By Gao Junya and Bridget Mutambirwa
Il y a 70 ans, en avril 1955, des représentants de 29 pays d’Asie et d’Afrique se sont réunis à Bandung, en Indonésie. Nombre d’entre eux venaient d’accéder à l’indépendance, d’autres étaient encore sous domination coloniale, mais ils étaient unis par une vision commune : un monde libéré de la domination impériale, du binarisme de la guerre froide et de l’exploitation économique. La conférence de Bandung a jeté les bases de ce que nous appelons aujourd’hui le Sud global. Plus qu’une simple réunion, il s’agissait d’une déclaration de souveraineté, de solidarité et d’autodétermination. Aujourd’hui, alors que le monde est confronté à de nouvelles formes de tensions géopolitiques, d’inégalités économiques et d’alliances changeantes, l’héritage de Bandung reste d’une pertinence frappante.
Comme l’a fait remarquer le professeur Wang Jinjie de l’université de Pékin, la conférence a créé une rare plateforme permettant aux pays d’affirmer leur vision d’un ordre mondial juste, libéré des schémas binaires de la guerre froide et des dépendances coloniales. La Chine, encore émergente à l’époque, a trouvé sa voix dans les cinq principes de la coexistence pacifique, à savoir le respect mutuel de la souveraineté et de l’intégrité territoriale, la non-agression mutuelle, la non-ingérence dans les affaires intérieures de l’autre, l’égalité et l’avantage mutuel, et la coexistence pacifique. Ces valeurs offraient une alternative éthique à la diplomatie fondée sur la puissance et ont depuis lors ancré l’approche de la Chine en matière de partenariats mondiaux, en particulier en Afrique.
Pour l’Afrique, la conférence a donné aux luttes postcoloniales un puissant élan moral et politique. Comme nous l’a rappelé Paul Frimpong, du Centre Afrique-Chine pour la politique et le conseil, l’indépendance du Ghana en 1957, deux ans seulement après Bandung, est devenue un modèle pour les autres nations africaines. Le Ghana a non seulement obtenu la liberté politique, mais il est également devenu une plaque tournante de la solidarité panafricaine et une base pour les mouvements de libération à travers le continent.
L’esprit de Bandung, autrefois ancré dans la libération politique, trouve aujourd’hui son expression dans la coopération économique. Aujourd’hui, l’Afrique et l’Asie s’engagent par le biais de plateformes telles que le Forum sur la coopération sino-africaine (FOCAC), l’initiative « la Ceinture et la Route » et les échanges sud-sud croissants dans les domaines des infrastructures, de l’économie numérique et de l’éducation. Ce passage de la résistance à l’engagement constructif montre l’évolution de l’héritage de Bandung, qui est passé de la protestation au partenariat.
Pourtant, le monde d’aujourd’hui présente de nouveaux défis : l’unilatéralisme, le protectionnisme économique et l’inégalité mondiale persistante. Comme l’ont souligné Wang Jinjie et Paul Frimpong, le Sud doit trouver de nouveaux moyens d’affirmer son autonomie stratégique – pas nécessairement par le non-alignement, mais par une coopération souple et fondée sur des principes.
Il est également nécessaire de moderniser les idéaux de Bandung : construire des économies numériques inclusives, des infrastructures vertes et une connectivité de personne à personne entre les régions.
Comme l’a dit M. Wang, les cinq principes restent « une base éthique » – une boussole pour guider la construction d’un système international plus équitable.
Soixante-dix ans plus tard, le monde a changé, mais les principaux défis auxquels les participants de Bandung ont été confrontés sont toujours d’actualité. L’inégalité mondiale persiste. Le colonialisme n’existe plus que de nom, mais son héritage reste ancré dans les systèmes commerciaux, les institutions financières et les récits géopolitiques.
C’est là que l’esprit de Bandung doit trouver une nouvelle expression, en particulier parmi les jeunes du Sud. Les jeunes d’aujourd’hui ne se battent pas pour l’indépendance, mais pour la justice climatique, un accès équitable à la technologie et une voix dans l’élaboration de l’ordre international. Le message de Bandung doit être réinterprété sous l’angle de la justice intergénérationnelle et de la souveraineté numérique.
Le leadership est tout aussi important. Alors que la domination occidentale s’affaiblit et que la multipolarité s’enracine, les pays du Sud doivent éviter d’être les pions d’une rivalité entre grandes puissances. Ils peuvent au contraire devenir les architectes d’une nouvelle ère – une ère qui valorise la coopération plutôt que la coercition, et la dignité plutôt que la dépendance. Les plateformes Sud-Sud doivent aller au-delà des infrastructures et s’étendre à des domaines tels que l’éducation, l’innovation verte et la résilience de la santé publique.
Bandung a montré ce qu’il était possible de faire lorsque les marginaux s’unissaient. Le prochain moment de Bandung ne sera pas seulement une conférence – ce sera un mouvement, mené par une nouvelle génération qui ose imaginer et agir différemment.
L’héritage de Bandung n’est pas statique – c’est un appel vivant à l’action. Le message est clair : le Sud doit prendre en main son propre avenir, fondé sur la dignité, le respect mutuel et la prospérité partagée.
70 ans après la conférence de Bandung, le message résonne encore : nous sommes plus forts lorsque nous parlons et agissons ensemble.
L’avis est basé sur une interview du podcast China Africa Talk de CGTN avec Paul Frimpong, directeur exécutif du Centre Afrique-Chine pour la politique et le conseil, et Wang Jinjie, professeur assistant de recherche à l’Université de Pékin.

Monument représentant une sculpture de globe à Bandung, en Indonésie, où s’est tenue la conférence de Bandung en 1955. L’inscription cite le premier président indonésien, Sukarno : « Qu’une nouvelle Asie et une nouvelle Afrique naissent », symbolisant la solidarité et la coopération entre les nations nouvellement indépendantes.